15.4.04

Hulu Berlu




Italie, 14 avril

Un artiste britannique, Mark Mc Gowan, traîne dans les rues de Milan une télévision attachée à son oreille pour protester contre le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, accusé de vouloir "accaparer toutes les télévisions du monde".

Et le sexe dans tout ca?

Michel Houellebecq écrit dans Plateforme (p.236):

"Offrir son corps comme un objet agréable, donner gratuitement du plaisir: voilà ce que les Occidentaux ne savent plus faire. Ils ont completement perdu le sens du don. Ils ont beau s'acharner, ils ne parviennent plus à ressentir le sexe comme naturel. Non seulement ils ont honte de leur propre corps, qui n'est pas à la hauteur des standards du porno, mais, pour les memes raisons, ils n'éprouvent plus aucune attirance pour le corps de l'autre. Il est impossible de faire l'amour sans un certain abandon, sans l'acceptation au moins temporaire d'un certain état de dépendance et de faiblesse. L'exaltation sentimentale et l'obsession sexuelle ont la meme origine, toutes deux procedent d'un oubli partiel de soi; ce n'est pas un domaine dans lequel on puisse se réaliser sans se perdre. Nous sommes devenus froids, rationnels, extremement conscients de notre existence individuelle et de nos droits; nous souhaitons avant tout éviter l'aliénation et la dépendance; en outre, nous sommes obsédés par la santé et par l'hygiene: ce ne sont vraiment pas les conditions idéales pour faire l'amour. Au point ou nous en sommes, la professionnalisation de la sexualité en Occident est devenue inéluctable."

Les sociétés occidentales sont-elles vraiment arrivées au point ou les hommes et les femmes ne savent, ne veulent plus entretenir des relations sexuelles simples et saines, quasi animales et instinctives? A un point ou l'ennui et les préjugés s'unissent pour tuer les unions charnels? C'est déprimant, mais il a en partie raison...

13.4.04

Mémoire

J'étais en train de me remémorer des films que j'avais vu et apprécié l'autre jour lorsque je me suis demandé combien j'avais pu en voir au total, des films. Je suis un enfant de l'époque télévisuelle et cinématographique et depuis le plus jeune age, installé calmement devant un poste de télévision j'ai ingurgité sans broncher tout ce que l'on me présentait. Nous avons, nous sommes, tous abreuvés d'images quotidiennement. Certaines de ces images sont immobiles, tentent de nous apprendre, de nous montrer, quelque chose, ou le plus souvent de nous vendre un objet completement inutile jusqu'au moment ou il nous est présenté. La télévision a l'avantage de nous présenter des images animées, vivantes et donc relativement mortelles. Elles passent, s'en vont, repassent puis s'en vont à nouveau. Elles connaissent des résurrections successives: combien de séries ont disparu des écrans pour reparaitre des années plus tard?
Je m'éloigne un peu. J'étais donc là à me demander combien de films j'avais pu voir... "Il n'y a qu'à en faire la liste" me suis-je dit. Je me lancais alors dans cette tache completement inutile, je l'avoue. En quelques heures, j'en suis arrivé à environ 350. Mais étais-je vraiment proche du chiffre réel? Combien de films ma mémoire était elle capable de garder en stock?
Evidemment, il y a plusieurs facteurs en jeu: combien de fois ai-je vu un meme film? (Etrangement, The Big Lebowsky était le premier sur ma liste...), combien de films ne m'ont pas plu (la mémoire est sélective)? Pourtant, là encore, je me suis retrouvé avec Scoobidoo sur ma liste et meme piege en haute mer. J'ai vu pas mal de films sous l'influence de l'alcool ou de psychotropes... Certainement il y a eu des oublis dans ces rang là... J'ai mis un temps fou à retrouver Ghostdog, que j'ai adoré, merci le spacecake.
Il était tout de meme amusant de me torturer le cerveau de la sorte. Je m'amusais à voir comment les associations jaillissaient dans mon esprit pour passer d'un film à l'autre. Je m'étais imposé de me rappeler vaguement de quelques scenes d'un film ET du nom de celui-ci. J'ai encore des images tres vivides de certains films nullissimes ou des fois potables mais dont le nom m'échappe completement. Je les mettais de coté et continuais ma liste, passant d'un film à l'autre suivant s'ils avaient éte réalisé par la meme personne, avaient des acteurs en commun, des similarités d'intrigue, de lieu ou d'époque ou encore si les titres des films étaient proches l'un de l'autre. Tout ces liens ne concernaient que les films eux-meme, et je me demandais quelle était la place du spectateur dans tout cela. C'était tout de meme mes yeux qui les avaient vu ces films! Je me suis donc plongé dans mon passé personnel, tentant de me remémorer les circonstances, l'époque, le lieu, le contexte selon lesquels je les avais vu. J'étais enfin un peu maitre de ces films... Certains que j'avais mis de coté ont meme fini par retrouver un nom.
L'expérience est intéressante, meme si elle n'est pas concluante. En effet je n'aurais pas cru pouvoir me souvenir d'autant de films. Pourtant, je pense que le chiffre auquel j'ai aboutit n'est qu'à peu pres la moitié de tous les films que j'ai pu voir. Certains sont trop lointains et d'autres, pour diverses raisons, ont tout bonnement disparu de mon cortex.
Je suis décidé à prolonger l'expérience et continuerai tant que ma mémoire le permet ou que je verrai de nouveaux films, à les inscrire à la liste. C'est au compte goutte que je procede à présent...
J'invite les personnes qui liront ce post à faire de meme. Il en découle des souvenirs intéressants, une torture fatigante mais agréable du cerveau et aussi, une approximation du temps passé à regarder des films. Peut-etre que cela pourra compter pour notre retraite, si l'on est assez nombreux à écrire au CSA à ce sujet.
Mais il se dégagera aussi une sorte de mémoire télévisuelle collective. Et vous verrez que notre supposée mémoire collective est grandement influencée par ce qui se fait Outre Atlantique. Mais cela, vous le saviez déjà...
A vos claviers ou stylos, donc et à votre mémoire.

Jeu: Une fois la liste finie, comptez le nombre de films dont vous vous seriez royalement passé et imaginez ce que vous auriez pu faire à la place pendant tout ce temps...

Globalia

Le dernier roman de Jean-Christophe Rufin, Globalia, est magistral. Déjà, il se lit tres facilement et lorsque l'on s'immerge dans ses pages on ne veut plus en sortir. En commencant ma lecture, je trouvais que c'était plutot bon signe. Rufin nous plonge dans un monde dystopique qui ressemble de facon effrayante au notre.
Globalia, c'est la démocratie absolue, la démocratie poussée "aux limites de ses faiblesses". Sa devise, "Liberté, Sécurité, Prospérité", résume tout à fait l'évolution plus que probable de nos démocraties occidentales dans un futur pas si éloigné que cela. Rufin ne situe pas son roman à un moment particulier du temps. Il s'agit de notre futur, mais on ne sait pas la distance qui nous en sépare. Globalia est une grande nation mondiale qui a abolit les notions de nationalités et renie les origines (et par là meme, l'Histoire). Les gens y vivent vieux, et les jeunes sont plutot mal vus dans ce monde ou les personnes de 80 ans, apres de nombreuses opérations chirurgicales, paraissent jeunes. Pas vraiment jeunes d'ailleurs, mais hors du temps. Le temps s'annule d'ailleurs lui meme tous les soixante ans, puisque les années sont comptées sur le modele des minutes et des secondes. Apres 60, on recommence à 1.
Globalia ne représente que des parties "sécurisées" de la Terre. En effet, les Globaliens vivent sous des spheres de verre, ou le temps est toujours régulé pour avoir un soleil éclatant. Au dehors de ces spheres, il y a les non-zones, habitées de brigands, de mafieux, de tribus et... de terroristes. Les non-zones sont laissées a l'abandon, sauf pour les bombardements globaliens occasionnels. La liberté absolue, ici, est trouvée dans de grandes prisons de verre d'ou les gens n'ont pas le droit de sortir. Il peuvent y voyager, mais pas en sortir. Et pour les faire rester, le gouvernement utilise la peur, la menace terroriste.
Globalia c'est une histoire d'amour entre Kate et Baikal, deux jeunes qui ne se sentent pas a l'aise en Globalia et qui revent d'un ailleurs. Au cours d'une randonnée dans une salle de "Trekking", ils s'enfuient vers les non-zones... pour etre aussitot repris par la "Protection Sociale". Les amoureux sont séparés. Se reverront-ils un jour?
Ce livre peut faire penser à 1984, mais il s'agit d'une version actualisée, qui a pris conscience des nouveaux dangers représentés par nos sociétés. Cette univers dystopique n'est plus une dictature sévere, mais une démocratie totale ou les gens peuvent occuper un travail ou un loisir, ou les peines de prison sont rares et ou les gens vivent longtemps. Les Globaliens ont le choix, mais le choix qu'on leur offre.
Je conseille à tout le monde de lire ce livre et de le faire lire. Peut-etre permettra-t-il une prise de conscience générale.
Globalia est paru en décembre 2003 aux éditions Gallimard-roman contemporain.
Sur Rufin

10.4.04

Cinema Cinema

J'ai vu tout récemment le dernier opus de Tim Burton, Big Fish, et Les invasions barbares de Denys Arcand (un quebecquois). Deux films que je conseille vivement a tous. Ils traitent plus ou moins du meme sujet: Un fils revient a son pere mourant apres des annees de séparation et de silence. Sujet toujours délicat mais traité de maniere magistrale par les deux réalisateurs.
Tim Burton fidele a lui meme, nous présente un récit ou se mélange réel et fantastique. Il s'agit bel et bien de son chef d'oeuvre, les affiches ne mentaient pas. On y retrouve de nombreuses références a ses films précédents. Big Fish est une apologie de l'art de conter des histoires, de la narration. En cela, il reflete la tradition américaine qui aime les histoires (on pourrait citer Paul Auster, qui lui aussi est un grand conteur). Mais je ne veux pas trop en dire sur ce film, si ce n'est: allez-y!
Les invasions barbares traite le meme sujet de facon plus brutale, avec beaucoup d'ironie, mais avec tout de meme beaucoup d'humour et de légereté par moment. On en oublie presque parfois que le pere est mourant. Le pere, intellectuel entouré d'intellectuels, homme a femmes, et son fils, qui n'a jamais lu un livre de sa vie et travaille dans la bourse et gagne beaucoup d'argent. Comment réunir ces personnages que tout semble opposer? Quel meilleur moyen que l'ombre de la mort?
Le journal de mon pere, de Jiro Taniguchi, traite aussi du theme de la mort du pere, sauf que la le pere n'est pas mourant mais mort. Le fils arrive pour l'enterrement et se rend compte qu'il ne sait rien de son pere qu'il avait décidé de quitter de nombreuses annees auparavant. Il se plonge dans ses souvenirs et ceux de autres membres de sa famille pour reconstruire la fin de vie de son pere en son absence. Cette bande dessinee est émouvante et Taniguchi, a son habitude, sait faire preuve de justesse. Tres bel ouvrage.

Je tenais aussi a faire une remarque sur ces américains qui ont peur du cinéma francais. J'étais devant ma télé l'autre jour quand je tombe sur un film intitulé Jungle2Jungle. Film américain, avec des acteurs américains, des villes américaines... Mais c'est le remake exact de un indien dans la ville . Pourquoi le refaire? Qu'est qui dérange les américains dans un film francais? Le fait de le voir en version originale sous-titrée? De ne pas supporter un film doublé? Une vieille rancune contre le cinéma francais? Faut dire qu'il ne font pas de remake de nos chef d'oeuvre, ils n'aiment que les comédies tres légeres... Ce n'est pourtant pas la premiere fois que cela arrive. Je me souviens de True Lies qui était lui aussi un remake. Si vous connaissez d'autres films francais (ou de tout autre pays) qui ont connu le meme traitement, n'hésitez pas a me le faire savoir via les commentaires. Je suis sur que ces deux films ne sont pas des cas isolés. Si vous pouvez aussi apporter un élément de réponse au pourquoi un remake, allez-y, faites vous plaisir...